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samedi 8 juin 2019

La disparition des clos

Dans un précédent article je proposais une explication à disparition des clos à La Tronche. 
Bernard Bachman, en 1984, dans le cadre d’une étude ethnologique sur le Nord Dauphiné (*),  pointe du doigt le rôle des épouses et accessoirement celui des promoteurs immobiliers dans la disparition de ceux-ci.

(*) Bachman Bernard. Le jeu de boules lyonnais en Nord-Dauphiné. Acteurs et personnages. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°3-4/1984.




Je poste ci dessous un extrait du chapitre consacré aux “Clos” (*)




Le clos
Le clos est un café possédant un terrain attenant sur lequel est aménagé un espace affecté exclusivement au jeu de boules. Conformément à l'étymologie du terme, le clos est souvent fermé, sinon de murs, du moins d'une clôture.  
Il est intéressant de noter que cet usage régional distingue le jeu de boules lyonnais. C'est en effet un espace semi-public, en tous cas fermé, qui est privilégié ici par les joueurs de boules au détriment de l'espace public (place, allées ) que préfèrent généralement les joueurs de pétanque dans le sud de la France.  
Un mur ou une clôture, réelle ou symbolique, manifeste toujours plus ou moins un souci de défense. «A l'intérieur d'un clos on est bien, on est entre nous, avec des copains, un peu comme chez soi », nous dit M. C., joueur de 64 ans de La Tour-du-Pin. Il y a, dans cette appréciation, que l'on retrouve chez de nombreux boulistes, l'idée d'un «intérieur » opposé à un «extérieur » représenté par l'univers quotidien du travail et du domicile ; une sensation de bien-être et d'intimité ; un sentiment d'appartenance à une communauté. Le clos est un lieu qualitativement différent des autres et fermé aux gens de l'extérieur, un lieu d'hommes aussi : les femmes y viennent rarement, ou seulement les jours de concours pour voir jouer leurs maris.  
Le droit d'entrée est gratuit dans les clos lorsque le joueur est sociétaire. Il est vrai que ce dernier est aussi un consommateur.  

La fréquentation des clos est allée en diminuant depuis quelques années : sur les vingt -huit qui existaient à Bourgoin-Jallieu avant la dernière guerre, il n'en subsiste plus que cinq aujourd'hui. Comme le café ou l'épicerie de quartier, le jeu de boules n'est plus rentable pour un exploitant. Les terrains, situés fréquemment au centre des villes sont convoités par les promoteurs immobiliers. 
D'autres facteurs nous donnent aussi une explication de la désaffection des clos. La mobilité géographique de la population est plus grande, l'individu n'est plus «rivé » à son quartier, le café n'est plus le centre de toute sociabilité. L'augmentation du pouvoir d'achat a permis de connaître d'autres loisirs, la voiture a transformé l'espace individuel. Un bouliste de la première heure, champion de France en 1932, nous confiait : «Les femmes, quand la voiture est venue vraiment, eh bien les femmes ne voulaient plus rester chez elles. Quand elles ont eu la voiture, eh bien il fallait que les maris les mènent promener le dimanche. Alors ils se sont désintéressés des boules. J'en connais une collection comme ça, moi. Oh oui, j'en connais... » (M. C., La Tour-du-Pin ).  
Le développement du confort et l'apparition de la télévision dans les foyers ne sont pas non plus sans incidence sur la fréquentation des clos. Les terrains de boules sont désertés les après-midi ou les soirs de retransmission de matchs, et il est notoire que les journaux télévisés de vingt heures donnent le signal du retour au foyer.  
Enfin le boulodrome remplace de plus en plus souvent le clos. C'est un espace sportif, généralement intégré au stade municipal. Avec lui, des exigences nouvelles se dessinent : maîtrise d'une technique, entraînement de plus en plus sérieux, combativité plus aiguë.  

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